mercredi 19 mai 2010

NOUVEAUX MATÉRIAUX

[1] F. Daninos, « Le graphène, matériau de l'année », La Recherche, janvier 2009, p. 30.
[2] X. Du et al., Nature, 462, 192, 2009 ; K. Bolotin et al., Nature, 462, 196, 2009.
MATÉRIAUX
Les électrons grégaires du graphène
Une nouvelle propriété a été mise au jour dans le graphène : le comportement collectif de ses électrons.
Depuis que le graphène a été isolé et que ses propriétés ont été caractérisées, à partir de 2004, ce matériau est considéré comme l'un des plus prometteurs pour l'électronique de demain [1] . Il s'agit d'une couche plane d'atomes de carbone, dont la structure rappelle celle d'un nid-d'abeilles. Cette structure confère au graphène des propriétés uniques, remarquables : c'est le premier matériau strictement bidimensionnel, et ses électrons se comportent comme si leur masse était nulle.
Deux équipes américaines viennent, conjointement, de mettre en évidence une nouvelle propriété étonnante. Dans certaines conditions, en effet, les électrons du graphène interagissent très fortement entre eux et se comportent comme si leur charge électrique n'était qu'une fraction de sa valeur habituelle. Une propriété qui pourrait trouver des applications dans le domaine du stockage et de la transmission des données [2] .
Champ intense
La vitesse de propagation des électrons est particulièrement élevée dans le graphène, car ils n'interagissent que très peu les uns avec les autres ou avec les défauts de la structure cristalline. Lorsque l'on applique un champ magnétique perpendiculaire au plan du matériau, les électrons commencent à interagir avec les lignes de ce champ. En appliquant un champ magnétique intense, supérieur à deux teslas, les deux équipes ont constaté que les électrons étaient soumis à un phénomène identifié il y a une dizaine d'années, qui valut le prix Nobel de physique à ses découvreurs : l'« effet Hall quantique fractionnaire ». L'une des caractéristiques de ce phénomène est que les électrons forment une sorte de fluide. Dans celui-ci, le courant n'est plus porté par les électrons, mais par ce que les physiciens du solide nomment des « quasi-particules » car elles n'ont pas d'existence propre. Or la charge de ces quasi-particules correspond à un tiers de la charge électrique élémentaire.
« Le succès de ces expériences est dû au fait que les deux équipes ont utilisé des échantillons de graphène extrêmement purs, présentant très peu d'impuretés chimiques et de défauts dans la structure cristalline », souligne Claire Berger, du Georgia Institute of Technology, à Atlanta. Le graphène a par ailleurs été suspendu entre deux plots d'oxyde de silicium, afin qu'il n'interagisse, au-dessus comme au-dessous de sa surface, avec aucun autre matériau.
C'est de cette manière que l'effet Hall quantique fractionnaire a pu être observé. Or, « ce phénomène ne se manifeste que si les électrons interagissent très fortement les uns avec les autres, explique Jean-Noël Fuchs, du laboratoire de physique des solides, à Orsay. Son observation constitue ainsi la première preuve du comportement collectif des électrons dans le graphène ». Les théoriciens et les expérimentateurs vont chercher, à présent, à en tirer toutes les conséquences, au vu des applications possibles de ce matériau dans le domaine de l'électronique.

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